SUR
LE RAPPORT D’ÉTUDES
Divers types de travaux servent à évaluer les connaissances et les aptitudes acquises dans un champ d’étude. La plupart du temps, l’étudiant tente d’y démontrer ses capacités ou ses savoirs et laisse le soin de les évaluer au professeur. Cette répartition des tâches est habituelle, en partie aussi justifiée, mais on tend souvent à la concevoir de manière trop exclusive. Pourtant, qui ne sait qu’il importe à une formation de faire l’objet d’une évaluation de la part de l’étudiant lui-même ? Et, en philosophie particulièrement, l’aptitude à juger soi-même aussi de ses propres progrès est incontestablement essentielle. Le rapport d’études vise à permettre cette forme d’évaluation conjointe de la part de l’étudiant et du professeur. Il s’agit d’une réflexion sur un aspect de la formation
que l’étudiant
a reçue et s’est donnée dans le cours au moment de ce retour réflexif.
La rédaction
du rapport a lieu en classe durant les trois heures du cours à partir
d’une
question donnée déterminant l’aspect sur lequel portera plus
particulièrement
la réflexion. Il est permis d’amener et de consulter les documents
utiles,
notes, livres et dictionnaires. L’objet de la réflexion n’est pas simplement quelque
élément de la
matière du cours envisagé pour lui-même, mais le processus même de
formation
qui a eu lieu à propos de la question donnée. Il s’agit donc de décrire
une
différence entre un état de connaissances, d’aptitudes, d’attitudes, de
croyances, au début du cours et le nouvel état auquel le cours aura
permis
d’aboutir, et d’analyser ce passage, ses causes et raisons. Il s’agit
d’abord de raconter les étapes d’une histoire intellectuelle, ensuite
de
chercher et d’exposer les causes des diverses péripéties de cette
histoire,
enfin d’en faire l’évaluation en fonction des fins poursuivies et de
leur
éventuelle transformation. Le récit de cette histoire intellectuelle suppose une
description du
point de départ, qui comprenne, outre un état de la formation
philosophique
atteinte, les exigences personnelles concernant la poursuite de cette
formation,
et cela plus précisément en ce qui concerne le cours et l’aspect plus
particulier sur lequel porte la question posée. Il implique
naturellement la
reconnaissance corrélative du point d’arrivée provisoire au moment du
rapport, avec la détermination des diverses étapes qui ont été
parcourues
entre les deux. Il y aura par exemple l’acquisition de connaissances,
mais pas
seulement. Ces connaissances nouvelles, comme d’autres éléments du
cours et
les réflexions qui l’auront accompagné, auront conduit à des
modifications
diverses dans les manières de penser, qui feront partie aussi de ce
récit. Une fois le parcours établi, sans doute déjà une partie
des raisons du
mouvement ou des changements décrits sera devenue claire et pourra être
exposée
assez directement, tandis que d’autres devront être cherchées encore.
Cette
recherche conduira parfois à des découvertes assurées, parfois à des
hypothèses
seulement. Les causes envisagées pourront être de diverses sortes.
Elles
pourront être des ressorts du mouvement ou des obstacles. Elles se
trouveront
parfois dans divers aspects objectifs du cours lui-même, parfois dans
des réactions
ou réflexions personnelles plus spécifiques, parfois dans des lectures
faites
en relation avec le thème du cours, etc. Pour évaluer le parcours accompli, il est possible qu’il
suffise de
comparer l’état d’arrivée avec les exigences posées au départ. Mais
souvent la situation est plus complexe. Les exigences de départ ne
restent pas
exactement les mêmes, mais évoluent avec les autres éléments de
l’histoire, si bien que l’évaluation doit tenir compte de cette
évolution
même. Par exemple, le progrès de la pensée à propos d’un thème peut
conduire justement à mettre en question certains buts qu’on s’était
fixés
d’abord, mais qui paraissent ensuite moins pertinents, plus naïfs, et
qui
sont remplacés par d’autres, ou demandent seulement à l’être. Ce genre
de
complication se trouve tout particulièrement dans une formation
philosophique,
dont l’objet est justement, entre autres, la transformation de nos
conceptions
de nous-même et de notre situation. La préparation à ce type de rapport consiste en une
réflexion menée régulièrement
durant le cours pour s’observer soi-même dans son rapport à ses divers
aspects. Cette réflexion et l’acquisition de l’habileté à l’exprimer
peuvent être aidées par la tenue d’un journal sur ce sujet, pour ceux
qui
apprécient cette façon de faire.
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