SUR L’EXPLICATION DE TEXTESLes
travaux d’explication de textes demandés à mes cours ont lieu en classe
durant les trois heures du cours. Il s’agit d’analyser un passage donné
des
œuvres à étudier (généralement, un ou deux paragraphes). Les étudiants
prennent avec eux les livres concernés et le matériel qu’ils jugent
utile :
notes, dictionnaires, etc. Il
s’agit non pas de démontrer l’état de ses connaissances sur l’auteur,
son œuvre et l’environnement historique, mais bien d’expliquer
l’extrait
de texte donné à analyser. Il n’est certes pas interdit de faire appel
à
des connaissances concernant son contexte plus ou moins large, à la
condition
que celles-ci n’apparaissent pas pour elles-mêmes, mais en tant
seulement
qu’elles servent à l’explication de quelque aspect du texte. Il faut
donc
considérer le passage choisi comme l’objet même à expliquer. Dans
cette perspective, plusieurs questions peuvent se poser à son
égard : -
Quelles sont
les idées qu’on y trouve ? -
Quel est son
sujet ou son thème principal ? -
Quelles en sont
les intentions ? -
Comment peut-il
être divisé ? -
Dans quel
contexte se situe-t-il ? -
Développe-t-il
un argument, et lequel ? -
Comment
s’articule-t-il ? Il est
bon de commencer par se poser quelques questions de ce genre, même s’il
n’est pas pour autant nécessairement opportun qu’elles apparaissent
toutes
explicitement dans le travail. Cette liste n’est naturellement ni
exhaustive,
ni obligatoire. Le choix des questions pertinentes dépend de la nature
du texte
et de son style. Par exemple, la nécessité d’insister ou non sur la
situation du passage dans son contexte variera selon qu’il s’agit d’un
moment d’un argument plus général, qui a commencé auparavant et se
poursuit
ensuite, ou bien au contraire d’un argument relativement autonome. Mais
dans
un cas comme dans l’autre, il faudra que l’on comprenne à partir du
texte
la nécessité de faire intervenir les éléments du contexte qui seront
présentés. Pour
aborder cette explication dans la bonne perspective, il importe de
savoir
qu’elle ne consiste pas en une répétition, une transposition, une
traduction, bref, en une forme quelconque de paraphrase, où l’on redit
en
d’autres mots (ou avec les mêmes) ce qu’est censé dire l’auteur. Il
faut
aborder le texte lui-même comme un objet d’étude, c’est-à-dire comme
quelque chose qui ne se livre pas immédiatement au regard (ou à la
lecture),
mais qui s’offre à une investigation curieuse d’en manifester des
aspects
non évidents au premier abord. Le texte peut manifester cette étrangeté
susceptible de réclamer l’analyse à divers niveaux. Son vocabulaire, la
construction de certaines de ses phrases, son style, la bizarrerie de
certaines
idées, l’absence d’évidence de l’argument, la présence de paradoxes,
peuvent par exemple retenir l’attention et demander une explication. Comme
d’autres formes d’explication, celle-ci doit naître de problèmes posés
par la nature de l’objet étudié. Il est donc indispensable d’envisager
d’abord le texte comme posant justement problème. Tant qu’il se
présente
comme allant de soi, il ne demande pas d’explication et ne se prête
donc pas
à l’exercice demandé. Autrement dit, le fait que la lecture révèle des
difficultés ne représente pas un inconvénient pour aborder ce travail,
mais
une condition nécessaire. Si la première lecture ne manifeste pas de
telles
difficultés — et même si elle en présente —, il faut commencer par en
chercher, par voir sous quel angle le texte apparaît comme
problématique. Il
est bon même de répertorier ces problèmes et d’en évaluer l’importance,
selon qu’ils paraissent se rapporter à des difficultés plus
superficielles,
aisément solubles, ou à des problèmes d’interprétation mettant plus
radicalement en jeu le sens du texte et réclamant des solutions plus
élaborées.
Cette évaluation conduira à repérer les questions principales qui
organiseront l’ensemble de l’analyse et structureront le travail. Il
peut être
judicieux de définir une problématique suffisamment unifiée pour
qu’elle
puisse fournir un titre à l’explication, de noter ce titre, et si la
perspective se confirme, de le donner au travail définitif. Celui-ci
prendra donc bien la forme d’une explication. Il faut que des questions
soient
posées, justifiées si possible, et que la recherche de réponses
représente
la partie principale du travail. Ce mouvement de l’analyse orientée par
des
problèmes est bien plus important que le fait qu’il aboutisse ou non à
des
solutions satisfaisantes. La conclusion peut fournir une telle solution
aux
problèmes posés, mais elle peut également rester ouverte et montrer
pourquoi
de telles solutions n’ont pas pu être trouvées. Le
travail doit être critique, non dans le sens qu’il devrait s’opposer à
la
pensée de l’auteur, mais dans le sens qu’il doit manifester un jugement
qui
s’exerce sur les divers aspects du texte, y compris, bien sûr, les
aspects
doctrinaux s’il y a lieu. C’est dire que la partie critique ne consiste
pas
en une affirmation d’opinions sur le thème et d’accords ou de
désaccords
personnels avec les positions de l’auteur, mais dans les jugements que
l’analyse va permettre de porter sur ce qu’elle aura révélé, et déjà
dans cette analyse elle-même. L’exposé
de l’explication donnée peut prendre des formes diverses. Elle peut par
exemple se développer en commentaire suivi, en une démonstration de
l’explication donnée, ou en l’exposé de la démarche suivie. Chaque
forme
a ses avantages propres et ses pièges. Notons par exemple que le
commentaire
suivi risque de dégénérer en paraphrase, et qu’il faut donc
particulièrement
s’en garder lorsqu’on choisit ce mode d’exposition. De même, une
présentation
plus indépendante par rapport à l’ordre du texte peut inciter à la
dissertation libre, à l’exposé de ses propres idées plutôt que d’une
explication du texte, ce qu’il faut éviter également, le texte devant
toujours rester l’objet d’étude. Quant à
la préparation à ce type de travail, elle ne peut se faire mieux que
par
l’exercice concret. Il suffit de choisir un paragraphe de l’ouvrage et
d’en tenter l’explication, si possible de manière assez précise pour
s’assurer de son aptitude à la développer réellement par écrit. Quoique
cet exercice puisse se faire seul, il gagne beaucoup à être pratiqué à
deux,
l’un expliquant et l’autre questionnant, à tour de rôles, par exemple.
On
peut consulter aussi les exemples d'épreuves
disponibles. * On
pourra également voir les possibilités de ce genre de l’explication de
textes en consultant des écrits tels que les suivants. D’abord
un livre d’introduction à la philosophie procédant par un parcours
historique dans lequel les explications de textes jouent un rôle
central :
Puis
quelques articles prenant la forme de l’explication d’un texte
précis :
Un commentaire sur internet
Enfin des ouvrages consistant en des commentaires continus d’une œuvre entière
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